Projektion mensuelle de Juin 2012 : Critiques des films

Pour cette projektion de juin dont le thème du défi était « film érotique », la soirée s’annonçait chaude! Au menu, 9 courts-métrages dits « réguliers » et 6 défis. Tel qu’annoncé par Kino, la projection a commencé à 20h30 tapant. Qu’on se le dise, ça sera toujours comme ça à présent et tant pis pour les retardataires! Le public qui l’a bien compris est au rendez-vous et c’est le nouveau directeur artistique de Kino, Charles-Louis Thibault, qui a pris les commandes de l’animation de cette sixième projection de l’année.

Projection Kino de Juin au Rialto

Le public était présent pour cette sixième projection de l'année.

UN JOUR DE PLUS
De Sébastien Avolese

Une belle et agréable journée entre un homme et son fils… au détriment de sa femme qui ne supporte plus leur situation familiale.

UN JOUR DE PLUS est l’un des cinq films réalisés lors du MARO KINO 2012. Tourné à Rabat, cette parenthèse temporelle met en scène avec joliesse et poésie les thèmes du souvenir et de la fantasmagorie.

A l’aide d’une photographie noire et blanche hors du temps et d’une musique symphonique narrative, Sébastien Avolese nous conte les relations père-fils, la douleur, la survie et la réminiscence avec habilité et cinématographie. Chaque élément de scénario et de réalisation illustre l’illusion ou la réalité, pour que chaque contraste s’aiguise, chaque détail raconte.

La facture est classique, mais tel sujet n’est pas non plus propice à l’expérimentation, plutôt à la profondeur et au ressenti, ce sur quoi UN JOUR DE PLUS ne faillit point.

LA CAGE
De Roger Renaud
 Aux prises avec un problème de jeu, un individu s’enferme lui-même dans une cage… d’escalier… déjà occupée.

«On a cru comprendre quelque chose en faisant le film.» Roger Renaud

Très stylisé, LA CAGE a des airs de film court expérimental tant les angles de prise de vue et les profondeurs de champ restreintes tordent l’espace et distordent la vision. Nos sens visuels et auditifs sont mis à l’épreuve, la musique empathique et sourde de ce thriller express rime parfaitement avec ces bribes de dialogues éparses inintelligibles et les images irisées et altérées. En explorant le genre du huis-clos sensoriel et fantasmagorique, Roger Renaud nous plonge dans l’univers subjectif et schizophrénique de l’addiction aux jeux d’argent, où la corruption, le crime et la démence trouvent une place toute particulière.

Cette mise en scène du labyrinthisme psychologique reste cependant la plus grande réussite du film, la course-poursuite et le propos se perdant bien souvent dans les sinuosités d’un scénario trop décousu.

BELANGER CONTRE LE RIDEAU
De Kevin Landry
La première d’une pièce de théâtre tire à sa fin lorsque son personnage principal prend conscience que la tombée de rideau signera sa mort. S’en suit un bras de fer entre la scène et les coulisses.

« Calice, j’suis Dieu ! »

BELANGER CONTRE LE RIDEAU raconte la lutte impromptue et imprévue d’un acteur de théâtre au moment de la mort de son personnage, sonnant la fin de la pièce : « S’ils ferment le rideau, nous ne sommes plus rien ».

A l’instar du Béranger de Ionesco, le Bélanger de Landry est un personnage seul en lutte contre tous, contre l’annihilation de l’artiste et la vie ; seulement le propos est ailleurs. BELANGER CONTRE LE RIDEAU fait partie de ces exercices de styles propres aux courts- métrages, où la mise en abîme, figure de proue de ce scénario brillant, initie des réflexions sur la vie, la mort, l’immortalité de l’art et de l’artiste, la frontière entre théâtre, cinéma et réalité… sans développement aucun, le rythme des dialogues et la vivacité des actions nous empêchant sans cesse de nous adonner à des pensées artistico-métaphysique. Ce film court est une comédie absurde avant tout et son réalisateur se délecte à nous promener d’un genre à l’autre, d’un art à l’autre, d’une référence à une autre pour que cette petite comédie métaphorique sur la relation personnage-créateur reste un moment artistique léger et jubilatoire.

LE POISSON ROUGE
D’Aurore Paulin

Boris a 6 ans, un poisson rouge affamé et une mère bavarde. 

Avec ses intérieurs aseptisés baignés dans une lumière diffuse et cotonneuse,  LE POISSON ROUGE dépeint ces ambiances d’après-midi feutrés, où la perception du temps varie du tout au tout selon si l’on est enfant ou parent.

Boris s’ennuie, s’inquiète de ne pouvoir nourrir son poisson rouge, pourtant sa mère cancane au téléphone sans comprendre que son garçon vit ici un après-midi héroïque, où son courage l’emportera sur ses craintes. Jusqu’à ce qu’une nouvelle négligence de cette mère trop babille ne réduise ses prouesses à néant.

A l’aide d’une photographie pastelle et d’un montage rythmique donnant la tonalité humoristique du court-métrage, Aurore Paulin livre une petite fable plaisante sur le fossé qui sépare le monde des enfants de celui des adultes, revisitant des actions quotidiennes au travers d’yeux enfantins.

Un film court non loin du sketch, mais néanmoins très mignon.

PARACHUTE
De Martin Thibaudeau

Un couple découvre un club de parachutisme bien particulier. Plus sécuritaire que ça, tu meurs.

Que dire sur le parachute à travers un film court ? Martin Thibaudeau nous fait une proposition des plus absurdes et des plus surprenantes.

Mis en scène avec un respect impeccable de la règle des trois unités, PARACHUTE a l’allure d’une histoire drôle portée à l’écran pour nous être contée. Une joute verbale énergique rythme l’ensemble pour un résultat drôle et léger, sans aucune autre prétention.

CERTIFIÉE BIO
D’Olivier Bonenfant

Dans les rues sombres du redlight district de Bruxelles, un client recherche un style bien spécifique de femme.

Avec sa jeune prostituée en vitrine et son passant intéressé, CERTIFIÉE BIO nous évoque bien-sûr les rues du redlight district de Bruxelles… à ceci près qu’il est indiqué « Fair Trade » sur l’affiche de la boutique. L’originalité est indéniable et le cocasse de ce court réside dans la confrontation de deux modes de vie antinomiques : le marché du sexe et le marché du Bio. Il en résulte un décalage complet qui puise son comique dans les situations et les dialogues.

On regrettera pourtant la mise en scène et la facture un peu trop simples de ce petit film, sans doutes liées aux contraintes de réalisation (le tournage a eu lieu lors du Kabaret de Bruxelles), mais retirant malheureusement beaucoup de mordant à un concept au potentiel bien plus fort que cela.

UN FILM AVEC JEAN-PAUL BELMONDO
D’Emanuel St-Pierre

Un film de la nouvelle vague (entre autres) tourné en territoire canadien.

Le format court a toujours permis d’explorer des genres cinématographiques, d’en proposer une relecture et d’inventer de nouveaux styles, ce qu’Emanuel St-Pierre a bien compris. UN FILM AVEC JEAN-PAUL BELMONDO se targue donc de revisiter avec humour le style Nouvelle Vague, à travers une vision canadienne. Ou pas.

Certes il y a Bardot et Belmondo, deux figures emblématiques du mouvement, des références au Mépris godardien, aussi. Mais il y a également les frères Lumière, des phrases empruntées à Boris Vian, des costumes hippies et Johnny Depp. Pas très Nouvelle Vague, ni dans le ton, ni dans l’esthétique. Pas très canadien non plus d’ailleurs. Juste un grand méli-mélo cinématographique pour initiés où gags référencés et effets de genre se succèdent en cascade. Plus parodie que relecture, plus hymne au cinéma qu’exploration de la Nouvelle Vague, cette compilation de citations mises bout à bout est certes réjouissante et culottée, mais parce que trop éparpillée, tourne à vide.

C’EST JUSTE PARCE QUE CA GOÛTE PAS BON
De Marie-Eve Lavoie

Un jeune couple équilibré vit un moment que chaque couple aura à vivre un jour où l’autre…

Petit pamphlet cinématographique à l’usage des hommes.

Pour sa première réalisation, Marie-Eve Lavoie a un message très important à faire passer à ces messieurs, ce à quoi elle s’adonne avec légèreté, drôlerie et pertinence.

Son court-métrage ressemble à une émission télévisée bas de gamme, dans la photographie comme dans le montage et le traitement de la narration, avec pour amorces de belles niaiseries, pour mieux contraster avec le caustique du sujet et en faire valoir la gausserie et le sarcasme.

Il en résulte un faux docu-fiction plutôt réussi, qui nous laisse pantois et amusés tant le mélange esthétique TV & sujet graveleux est surprenant d’audace et de friponnerie.

VIE POURRIE 3 : LORIE VERMETTE N’EST PAS HEUREUSE
De Patrick Péris & Charles-Louis Thibault

A la veille de son mariage, Fred hésite…

Troisième volet du concept cynique de leurs auteurs, VIE POURRIE 3 se plait à surprendre et à choquer son spectateur à travers des quiproquos et des contrastes permanents. Du décor –toilettes d’un appartement chic- à la facture même du film -plans très travaillés et très épurés se cognant sans cesse à la vulgarité des dialogues-, sans oublier le sordide des relations entre les personnages, VIE POURRIE 3 dérange, secoue et racole adeptes de joutes verbales libidineuses et d’humour agressif.

Libres sont les autres d’apprécier ou non l’écriture littéraire, déliée et percutante de ces tirades malpropres dans lesquelles la réflexion sur le bonheur et le cours d’une vie, propos et intérêt de ce troisième VIE POURRIE, se diluent inévitablement.

Quant au défi, 6 réalisateurs l’avaient relevé et nous ont proposé des films à saveur coquine. C’est Catherine Leblanc qui a remporté les honneurs.

Pour la projection du mois d’août, 15 réalisateurs et 35 comédiens devront réaliser un fm dont le titre sera « Une pensée pour Robert ». La véritable contrainte de ce défi consiste pour les réalisateurs à ne tourner qu’avec les 2 ou 3 comédiens qui leurs ont été associés par tirage au sort. Rendez-vous le 3 août pour voir le résultat puisqu’en juillet, Kino fait relâche.


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